Etude de la teuf – cas pratique.

Les acteurs de la teuf.

L’infoline.
Outil indispensable du teufeur : le portable. Il sert non seulement, à joindre les potes pour savoir quels sont les plans teufs, mais aussi à retrouver les dits potes quand tout le monde s’est paumé en rase en campagne en prenant à droite après le petit pont à gauche du petit bois.
Et surtout, le portable sert aussi à appeler l’infoline où se trouve le tant-convoité plan d’accès. Les infolines sont réputées pour sauter les samedis vers 24 heures, le but du jeu étant de faire partie des heureux élus qui l’ont entendue avant que tout saute.
Le proprio.
Acteur, malgré lui, il réagit plus ou moins bien à la présence d’une teuf sur ses terres.
Entre le p’tit papy tranquille qui débarque avec son tracteur pour désembourber les bagnoles et celui qui vous poursuit avec le sus-cité tracteur…
Les voitures.
Sans voiture, nul salut !
Elles servent d’abri quand il pleut, le moteur réchauffe en hiver et surtout, surtout, ce sont elles qui amènent à la teuf.
A noter que les forces de l’ordre ont pour habitude de relever les plaques, l’utilité de ce rituel reste inconnue, dissuasive, sans doute…
Le son.
Raison et origine de tout ce bordel au sens propre comme au figuré.
Le son désigne autant le « groupe » de personnes à l’origine de la teuf. que le mur d’enceintes, les djs et tous ceux qui les aident.
Comme dans toute mouvance musicale, la branche tekno comprend donc différentes orientations et donc différents sons ayant eux-même différentes tendances,
Quoiqu’il en soit le son est celui qui vous fera passer une bonne ou une mauvaise teuf.
Les forces de l’ordre.
Toujours fidèles au poste dès l’aurore du p’tit matin.
Comme les propriétaires, il s’en trouve des plus ou moins compréhensifs, même si leur niveau de compréhension tient grandement compte du rapport de force.
Mémoires de teufeur – Loose de teufeur.
25/08/01, quelque part dans le nord-est de la France.

» Un truc de ouf, j’t’dis !
Des vrais pro : des DJs qui mixent dans des boîtes en Belgique et au Luxembourg !!!
Les flics sont prévenus, le proprio est OK, les mecs annoncent 1 500 personnes ! Le maire va même mettre une citerne d’eau ! «
Evidemment, présenté comme ça, tous les teufeurs du coin ayant entendu la rumeur, vont se battre pour y aller !
C’est l’été, les gros sons sont dans le Sud, c’est la loose pour ceux qui restent, la chasse à La Teuf qui aura lieu au nord de la Loire.
Et nous, en tant que VJs, on va, un peu, où on nous dit qu’on pourra bosser.
La semaine se passe sur ce projet prometteur, on prépare nos sessions, les p’tits gars donnent des news de loin en loin,

un autre pote monte une teuf -sa première grosse teuf-, les infos commencent à tomber sur la confiscation du son des TNT suite au tekos de Florak, le gros tekos de Hollande s’annonce comme le dernier gros événement de la saison : la teuf bat son plein oubliant presque qu’en septembre elle fera l’objet de nouveaux débats.
On se prépare, le départ est prévu pour le vendredi soir, histoire de bien tout préparer pour la teuf du samedi, c’est vrai que ces gars-là ont l’air organisés, préparer la teuf; 24 heures à l’avance…
Première contre-info, le cametard est plein, on partira avec le reste du son, le samedi matin, bon ok mais « matin » ça veut dire quoi, pour un teufeur ???
A force de recoupements, on finit par évaluer l’espace spatio-temporel « matin » comme étant situé aux environs de 16 heures.
A 21 heures le samedi, soit 24 heures après le soi-disant horaire de départ, on apprend qu’en fait, un type veut pas prendre sa voiture tunnée/rabaissée pour aller en teuf et qu’il y a de la place pour notre matos mais pas pour nous.
De gueulements en gaspillage de forfait, on finit par décoller, il est 23 heures, ça va être génial pour installer le matos à la lampe de poche…
Pendant le trajet, on a la chance d’avoir un GO qui nous conte par le menu toutes les histoires de cul des sons locaux et alentours

Après s’être perdus 2 ou 3 fois, quelques demi-tours aléatoires et de multiples appels téléphoniques :
« t’es où ? » ; « ah, t’es devant nous ? » ; « mais non, fallait tourner avant ! ».
Enfin bref, le classique parcours du teufeur ; nous voici enfin devant la fameuse station-service tenant lieu de repère.
Un dernier appel et nous devrions avoir la clef du parcours.
Le verdict tombe.
Les flics sont sur le site.

Interrogation générale…
Les flics sont sur le site ? Et alors ? Ils étaient pas au courant ?
Comment ça, ils étaient pas au courant ?
Ça commence à puer gravement la loose, on commence à tirer la gueule, les uns parce que La Teuf promise semble bien compromise et nous parce qu’on a bossé pour rien.
Histoire de contempler les choses par nous-mêmes, on décide de bouger au son quand même.
Une fourgonnette de gendarmes devient vite un détachement de CRS au téléphone.
Arrivé sur place, on comprend mieux…
Une clairière gigantesque et au fond, tout au fond à droite, un petit groupe de gens, ça doit être ça.
Ça sent le ridicule, ce champ gigantesque, grand pour un tekos avec cette poignée de gens discutant, se rejetant l’erreur…
Parce qu’au bout du compte, y’a jamais eu d’autorisation pour le terrain. La citerne d’eau, le maire en a jamais parlé et les flics ne savaient rien avant d’avoir des plaintes du voisinage, à se demander si les DJs en sont vraiment…

Ce joyeux bordel se calme et finit par repartir en convoi vers un autre site « avec autorisation », celui-là.
Le son sera pas posé avant 3 heures du mat, il n’est plus question pour nous de projeter, puisque trop tard, trop long à installer…
Personne ne s’inquiète vraiment du boulot perdu, tout le monde ne maugrée qu’une chose « merde, c’est trop con ! » en pensant à sa soirée gâchée.
Arrivés sur le nouveau site, de l’hallu complète, juste un début de chemin dans les bois, les mecs sortent la tronçonneuse et commencent à tailler dans le bois pour agrandir une clairière aussi grande que ma cuisine.
Deux enceintes, deux tréteaux, deux platines, deux spots et un groupe et la teuf part ; il est 4 heures du matin, tout le monde fait la gueule mais personne ne se décide à bouger.

Histoire de pas perdre notre nuit, on arrive à faire un debriefing avec les mecs du son. En fait, ils ont des « cops » dans ce coin-là, c’est pour ça qu’il fallait absolument venir poser dans ce trou perdu.
Résultat des courses : un mec a fait déplacer 150 personnes parce qu’il voulait tirer un coup…
A côté de ça, à même pas 50 bornes et sur notre chemin de retour, un pote faisait sa première grosse teuf et avait 600 personnes (dixit FR3) mais les mecs voulaient pas avoir bougé pour rien…
Ce même week-end en Hollande, le tekos tournait mal, les sons se faisaient saisir parce qu’un mec trop speed avait forcé un barrage et blessé un flic…
Partout on entend dire que Les Frees c’est fini ; les grands sites ferment, refusant de cautionner encore un mouvement qui ne ressemble plus à leur idéal et le gouvernement s’engouffrant dans la faille tente d’imposer un cadre juridique à un mouvement qui s’est lui-même donné le nom de Free.
Et quelque part après cette nuit-là, moi aussi, je me pose cette question car que faut-il attendre de celui qui refuse d’avoir fait 100 bornes pour rien ?
La Free est aléatoire ça fait aussi parti de son charme et où seront-ils pour se battre quand demain, il faudra défendre La Free devant les législateurs…